Je trouve régulièrement des illustrations qui montrent des étapes de dessins de tableaux ou autres qui sont censées illustrer l’agilité dans les étapes de réalisation d’un produit.
Dans le cas de la fameuse Joconde( en partie gauche de l’image), suivant la façon d’enchainer les étapes pour arriver au résultat, certaines de ces façons de faire seraient agiles et d’autres pas.
Je trouve que cela ne traduit pas l’esprit de l’agilité et peu amener de la confusion.
Qu’est-ce que je reproche à cette vision de l’agilité ?
Dans les 3 cas de gauche, il y a un point commun, c’est le déroulement, certes de différentes façons, du même maxi plan, celui qui conduit à la Joconde que l’on connait tous :
- Dans le cas 1 le travail est fait par région. Celles qui avaient le plus de valeur pour le peintre/le public en premier ?
- Dans le cas 2 par affinage successif de la qualité du rendu.
- Dans la cas 3 de manière linéaire haut à gauche vers en bas à droite.
- …
Pour moi, ils ne sont pas plus agiles les uns que les autres. La preuve en est, que tous arrivent au même résultat, c’est dire qu’elle ont suivi le plan initial.
Dans ces trois cas on est dans du « Vrum » (cycle en V fait en Scrum), c’est à dire, la réalisation d’une prédiction précise.
Une vision de l’agilité battit pour l’innovation – et si Picasso avait raison ?
Dans la partie de droite, j’ai regroupé quelques images en séquence, issues d’un magnifique reportage sur Picasso : Watch Picasso Make a Masterpiece
Ce que j’aime beaucoup dans ce timelaps, c’est que l’on peut voir le cheminement et la découverte en cours de route.
On passe de bouquet de rose, à poisson, puis poule, masque, ombres qui dansent…
On comprend bien, en le voyant faire, qu’il n’y pas de plan final détaillé et connu d’avance.
Et même si l’artiste n’a pas partagé ici sa vision, il peut en avoir une qui le guide dans sa capacité à orienter, pivoter et décider de clore ou pas son œuvre.
Nous sommes ici, assurément dans un monde complexe, rempli d’incertitudes, terrain de jeu favori de l’agilité.
Il n’y a que la réalisation suivie d’une visualisation qui permettra à l’artiste d’affiner et de faire évoluer son œuvre.
Les analyses aux rayons X d’un grand nombre de tableaux ont montré des constructions similaires, par couches ou itérations successives parfois très différentes du résultat final.
Quels liens avec nos projets/produits ?
Dans la réalisation de nos projets/produits appliquer une vision de l’agilité à la sauce Picaso c’est accepter :
- Que l’innovation ne peut pas se faire au travers d’un plan détaillé
- Que l’on ne découvrira la solution à nos besoins qu’en essayant d’y répondre
- L’incertitude associé l’innovation comme faisant partie du chemin nécessaire
Pour y arriver nous pouvons juste :
- Cadrer l’énergie que souhaitons mettre en œuvre/consacrer au quotidien pour réaliser ce projet/produit
- Se poser la question régulièrement de savoir si ça nous va ? Si nous en avons assez ? Faut-il continuer, changer, pivoter ?
- Faire et découvrir en avançant
Certains rajouterons, oui mais il nous faut un plan pour cadrer les dépenses et les budgets d’investissement sinon nous ne pourront pas innover.
Dans la version agile de l’innovation, le plan budgétaire n’est pas forcément nécessaire, si l’on sait valoriser les étapes de réalisation qui conduisent à l’objectif et que l’on fait toujours ce qui a le plus de valeur en 1er et le plus rapidement possible. Il suffit alors de surveiller le cash flow (flux net de trésorerie) et de se tenir en dessous .
Exemple d’innovation produit en cash-flow ?
Dans le cas de SpaceX (société qui n’a pas fait d’IPO – qui n’est pas en bourse) la vision produit à 1000 ans de Elon Musk est de « Sauver l’humanité – en créant une planète B », le budget à provisionner pourrait être salé !
L’option choisie est trouver des moyens de faire financer la courbe de croissance de la connaissance et des moyens à développer en avançant – par d’autres.
Ainsi SpaceX vit des subsides de sous-traitance de la NASA qui souhaite retourner sur la lune et des retours financier des ventes de vols Falcon 9, falcon Heavy, Cargo dragon, Crew Dragon et straship… Tout ces projets, vendus à d’autres, servent à financer des flux de valeurs nécessaire pour faire progresser la connaissance et les moyens nécessaires à mettre en œuvre pour aller sur Mars.
Le fait d’être innovant et peu cher procure à l’entreprise une position dominante dans le fait d’être systématiquement sélectionnée par des états, l’armée, les géants des télécoms ou de l’informatique… pour combler leur propre lacune et assurer leur missions.
En fait c’est comme si les états, entreprises payaient SpaceX pour continuer à assurer sa dominance sur le secteur du spatial. Tout le business d’Elon Msuk étant orienté pour vendre de l’innovation dans des technologie exploitable sur Mars : fusées, Panneaux solaire et batterie, voiture électrique, intelligence artificielle et robots (Il n’investit pas dans les avions ou les bateaux, sous marins … qui ne seraient pas utiles sur Mars).
Le dernier essai Starship Flight Test est bien dans cette veine et montre en quoi l’innovation est un chemin semé d’embuches et accepté comme tel par les équipes qui préfèrent considérer l’explosion contrôlée après 4 minutes de vol comme un apprentissage que comme un échec .
En conclusion je dirais, méfions nous des pseudo-méthodes ou cadre de pensée qui nous ferraient croire que l’on peut effacer la complexité du monde en prévoyant plus, réfléchissant plus fort, découpant différemment … Seule une confrontation rapide et régulière à la réalité peut nous aider à appréhender le monde qui nous entoure et nous permettre de trouver les solutions les plus adaptées, c’est ça ma vision de l’agilité.