L’entreprise « libérée » est morte … vive l’organisation agile

L'EL est morte ... vive l'organisation agile

L’entreprise libérée est attaquée par un certain nombre de détracteurs et une polémique persiste sur ses intentions ou sa mise en application alimentée par des déçus des transformations ratées. Utopique, dogmatique, asservissante, irréaliste, manipulatrice…voici un certain nombre de qualificatifs que l’on peut trouver sur la toile. Comment en sommes-nous arrivé là ? Pour quelles raisons est-elle attaquée et quels sont les reproches qui lui sont faits, sont-ils fondés ? Peut-on encore avoir un regard objectif sur ce concept ? Qu’est-ce que l’organisation agile ?

La naissance du concept

Popularisé par Isaac Getz, ce concept ou plutôt cette philosophie de l’entreprise, peut être résumé par la phrase suivant : « Peut prétendre au statut d’entreprise libérée, toute entreprise ou chacun de ses salariés est libre d’entreprendre ce qu’il juge bon pour l’entreprise » et une équation « Liberté + Responsabilité => Bonheur + Performance ».

Cette vision, à priori, plus humaine et plus libérée de l’entreprise a séduit plus d’un patron et plus d’un salarié et le reportage d’Arte sur le bonheur au travail a suscité un certain nombre de vocations.
Presque 3 ans après sa première diffusion, et alors qu’elle souhaitait répondre à tous les maux du travail, pouvons-nous annoncer sa mort prématurée ?

Cartographie des acteurs en présence

Comme lors de toute tentative de changement, on retrouve une répartition des acteurs en fonction de leurs enjeux personnels et collectifs, de leurs valeurs et de la vision qu’ils ont du phénomène. En fonction du poids de ces enjeux, nous pouvons nous situer sur ce type de diagramme.

Acteurs et stratégies entreprise agile

La cartographies des acteurs de l’EL

Dans les engagés, qui épousent la cause quoi qu’il en coûte, nous retrouverons bien sûr des acteurs à l’origine du concept, des partons convaincus, des salariés conquis par celui-ci ou éprouvés par l’ancien système mais aussi des profiteurs du système (nouveaux  gourous/patrons mal intentionnés…) qui ont bien compris qu’ils pouvaient en tirer des bénéfices personnels.  Ces acteurs sont bien souvent à l’origine d’un ressenti de dogmatisme à l’égard de la cause qu’ils défendent et peuvent foncer droit dans le mur en entrainant au passage des dégâts collatéraux.

Chez les alignés, on retrouve globalement des suiveurs qui épousent et agissent en bons petits soldats pour faciliter la mise en œuvre du concept sans trop se poser de questions. Ils peuvent cependant entretenir une forme de méfiance vis à vis des autres populations, dans la mesure où, les problèmes détectés sont tout simplement évincés d’un revers de main.

Dans la population des concertatifs, on retrouve un certain nombre d’acteurs qui peuvent faire la promotion du mouvement mais qui restent ouverts à la critique et capables d’envisager des amendements. Pensant que le changement peut être globalement plus positif que négatif, ils sont généralement constructifs et préfèrent le pragmatisme. Ils ont généralement fait le deuil du système précédent et veulent passer à autre chose. Dans notre cas d’espèce, un certain nombre de penseurs et d’acteurs de terrains (patrons, RH, managers, salariés, syndicats…), des professionnels de la QVT et de la souffrance au travail qui adhèrent au concept mais restent ouverts à la controverse pour permettre au système de s’améliorer.

Du coté des détracteurs, on retrouve les irréductibles qui sont prêts à tout pour s’opposer au mouvement, mensonge, manipulation… pour attaquer tant sur la fond que sur la forme tout ce qui peut ressembler de prêt ou de loin à l’idée véhiculée. Dans notre cas, on retrouve bien sûr les adeptes du contrôle, du top/down et d’une hiérarchisation de l’entreprise ou de la société et les défenseurs de l’ancien système. Il n’est d’ailleurs pas rare de retrouver les anciens « profiteurs » du système précédent, des anciens conseillers en fusion/acquisition, des conseillers en organisation et autres symboles du système remis en question qui, avec la disparition de l’ancien système, verraient disparaitre leur « valeur ajoutée ».

Dans les opposants nous trouvons toute une partie de personnes qui ont l’impression d’avoir plutôt à y perdre qu’a y gagner et qui, de fait, jouent le rapport de force pour essayer de négocier des compensations pour ce qu’ils pensent avoir à perdre (à tort ou à raison). On retrouve ici un certain nombre de personnes qui pensent perdre une partie de leurs prérogatives, il peut s’agir de personnes issues des syndicats, de patrons, de managers, de membres des fonctions RH et support mais aussi de salariés inquiets par le changement que cela va engendrer et le résultat qui pourrait en découler.

La population des divergents est composée de personnes qui pensent que le changement proposé n’est pas la bonne réponse au problème, il peut s’agir ici d’alerteurs, qui peuvent amener de formidables propositions alternatives qui viendront enrichir le débat. On retrouve ici aussi un certain nombre de fonction de l’entreprise parmi les acteurs de terrains et des professionnels qui gravitent autour du monde du travail.

Entre ces deux blocs sont pris en otage toute une série de gens allant du passif au déchiré qui ne savent pas, en l’état, choisir de camp, soit parce qu’ils ne se sentent pas concernés ou attendent des résultats pour se prononcer, soit parce qu’ils sont animés par des antagonismes de crainte et d’espoir.

On notera, en première instance que ce mouvement propose une lecture tendant à séduire plus facilement le bas de la pyramide des entreprises que le haut de celle-ci par son discours un peu « révolutionnaire » voir « populiste » au sens où il fait appel aux intérêts du « peuple » des entreprises.

Que lui reproche-t-on ?

Une vision dogmatique

Force est de constater que c’est surement le plus justifié des reproches qui peut lui être fait. Dans sa version initiale, elle a pu apparaitre comme une véritable chasse aux sorcières : Supprimer le management, dézinguer les fonctions support ou RH jugées comme inutile, présence d’un leader libérateur chargé du nettoyage… Je note que l’on retrouve d’ailleurs plus ce discours, chez nous en France, que dans les autres pays qui ont tentés l’expérience. Notre tendance révolutionnaire naturelle y est surement pour beaucoup. Au final, il ne faut pas, du coup, s’étonner avec de tels propos qu’il y ait un maximum de réticences et de résistances dans notre pays.
La vision unique proposée sur le modèle du leader libérateur a pu aussi séduire des patrons gonflés d’égo, en mal de défis et pourtant pas forcément à même de comprendre, du coup, la nécessite de ne pas appliquer aux autres ce que l’on ne s’applique pas à soi-même.

Et même si maintenant le discours a changé, sur l’impulsion de certains, pour indiquer que tous les individus au sein de l’entreprise ont une expertise et de la valeur,  le mal est fait.

Le nouveau discours autour de l’EL indique que ce ne sont pas les fonctions qui sont à fustiger mais bien le contrôle et le pouvoir que l’on y avait associé et les postes ne doivent pas être supprimés mais transformés et la culture du management de contrôle de l’exécution doit évoluer vers celle du servant leader, du guide ou du mentor. Un point que l’organisation agile met en avant depuis longtemps avec le rôle de guide ou de coach agile.

Une entreprise irréaliste, un monde de « bisounours » :

Pour une partie ses détracteurs, elle serait une entreprise déconnectée des réalités économiques et du terrain, vouée à une mort certaine à très brèves échéance. Force est de constater que parmi ces structures un certain nombre sont présentes depuis plusieurs décennies et n’ont toujours pas disparues du paysage. Quand on sait qu’au bout de 3 ans 25% des entreprises en général mettent la clé sous la porte, la longévité de celles-ci n’a pas à rougir par rapport aux entreprises traditionnelles.

Il y aurait donc d’un côté les entreprises classiques préoccupées par leur survie et de l’autre, des entreprises dites « libérées » tenues par des irresponsables qui ne souhaitent que condamner leur entreprise et si ces entreprises affichent de bon résultats, c’est qu’elles trichent sur leurs déclarations.

Entre ceux qui auraient tendance à gonfler les chiffres de leur résultats/marges pour montrer les bienfaits de la démarche et ceux qui cantonnent ces entreprises à un délire de néo baba-cools, il y a une réalité de terrain qui tend à montrer que ces entreprises produisent de bons résultats économiques qui n’ont rien à envier aux champions plus classiques. Là encore, il faut prendre des pincettes, car il ne suffit pas de se déclarer libérée pour voir monter mécaniquement son CA et des échecs existent aussi, même si à ce stade, je ne connais pas d’entreprises ayant mis la clef sous la porte du fait de cette transformation. Un échec retentissant d’un point de vue médiatique est le cas Zappos qui a échoué dans la mise en place de l’holacratie. Alors que cet exemple est souvent amené comme preuve de l’échec du système de ces entreprises et même si l’holacratie n’est pas l’entreprise libérée ;  Zappos est toujours là et son CA n’a pas baissé. Par opposition l’organisation agile se veut pragmatique et affiche une volonté orienté création de valeur.

Une entreprise qui doit se libérer sans méthode à suivre

On reproche souvent à l’EL le fait qu’elle se revendique plus d’une philosophie que d’un concept ou d’une méthode éprouvée ce qui démontre, de fait, son coté irréaliste et enfantin.
Si l’on y regarde de plus près, on reproche donc à ces entreprises de ne pas définir de cadre formel ou de processus à dérouler pour transformer l’entreprise. C’est assez paradoxal d’envisager qu’un système qui se fait le champion de l’émergence et de l’écoute pour s’adapter à l’environnement réel dans lequel il évolue, pourrait avoir un scénario à dérouler. Avoir un scénario prédéfini indiquerait que l’on ne tiendrait forcément pas compte de ce qui remonte du terrain et cela ferait courir le risque de devoir changer tout de suite ses prévisions et ses orientations. En contrepartie, elle fonctionne d’après des principes et points de vigilance. Quand on avance en terrain inconnu, il est difficile de se baser sur un plan et des principes de bases et quelques points d’alerte sont d’ailleurs les seules informations que vous donnerait votre guide dans l’organisation agile.

Ce constat ne convaincrait bien évidement pas des irréductibles ou des opposants. Du coup, un certain nombre de marchants de rêve vendent des méthodes de transformations soit disant bien rodées et donc plus séduisantes mais qui conduisent le plus souvent à l’échec de la transformation, ce qui provoque une perte sèche pour l’entreprise, un sentiment de découragement auprès des salariés et décrédibilise le mouvement.

Des entreprises qui asservissent par le groupe ou manipulent

Dans la croyance associée aux détracteurs de l’EL, la pression hiérarchique serait remplacée par la pression du groupe engendrant burnout, pression diffuse et constante, montée du stress et de l’insatisfaction. Il y a des cas où cela se produit et je vais y revenir dans un instant, mais c’est très loin d’être l’expression de la majorité de ces entreprises, il n’y a qu’a regarder l’évolution des classements Great Place to Work pour voir chaque année arriver en tête de classement de plus en plus d’entreprises libérées.

Pour autant il ne faut pas nier l’existence de cas où cette pression existe. Il s’agit bien souvent d’entreprises avec une fort culture de command & control qui se meuvent dans une quelque chose qui ressemble plus à du lean management à marche forcée. La culture de la performance et du résultat au détriment d’une culture humaine et de la valeur crée conduisent à ce genre d’excès.

Enfin, il ne faut pas négliger, non plus, les cas de patrons opportunistes qui trouvent, dans ce qu’ils voient comme une mode, une excellente occasion de faire du cost killing et d’améliorer leurs profits. A l’instar de l’écologie où tout repeindre en vert ne fait pas de nous des écologistes. Charger les salariés de responsabilités sans leur en donner ni le choix, ni les moyens ne représente pas quelque chose de conforme à l’esprit de l’EL. Il y a eu le « green washing » il existe aussi le « freedom washing ». Ces exemples font souvent parler d’eux mais doivent-ils pour autant condamner tout le mouvement ? A qui faut-il faire porter le chapeau, au patron malveillant ou au système qu’il prétend mettre en place ?

Il ne faudrait pas pour autant croire que le risque n’existe pas et qu’il ne faille pas se mettre des points de vigilance ou des gardes fous. Je vous invite à consulter ce qu’a mis en place l’entreprise Agesys.  Elle a mis en place un bon nombre de mesures qui ont émergé parce que l’homme a été mis au cœur des préoccupations. Un modèle pour une entreprise de 40 salariés dont pourrait bien s’inspirer des grosses sociétés classiques sachant qu’en plus en 3 ans ses effectifs ont augmenté d’un tiers et son CA de 40% à marge constante.

Moins de contrôle veut dire chaos

Le fait de diminuer le contrôle sur les salariés entrainerait de manière mécanique, un ascendant des plus forts sur les plus faibles et un chaos inévitable. Le management étant ainsi vu comme la ligne de défense des opprimés pour dénouer d’une main de Salomon les conflits. D’un point de vue sociologique, il est évident que plus les gens sont infantilisés, moins ils sont éduqués dans un monde de raréfaction des moyens et plus l’autorité est nécessaire. La demande sécuritaire de mettre un policier derrière chaque individu, puis un inspecteur de la police des polices derrière chaque policier… est quelque chose à la mode. Pourtant on peut raisonnablement penser que ce n’est pas la solution. Ce que l’on constate dans ces entreprises est qu’elles consacrent beaucoup de temps au début pour mettre en place et coconstruire ces règles de savoir vivre et travailler ensemble et que par la suite le chaos pressenti n’est finalement pas une réalité.

Un modèle qui n’est pas unique

On reproche un peu tout ou son contraire à ces entreprises dites « libérées » et pour cause, elles se suivent mais ne se ressemblent pas forcément, on retrouve certes des points communs mais aussi de vrais différences. Le premier constat que l’on peut faire est que ces entreprises ne partent pas du même endroit. Certaines étaient très classiques, d’autre déjà très collaboratives… de fait elles ne cheminent pas forcément à la même vitesse. Elles n’ont pas forcément la même niveau de destination non plus, certaines veulent aller vers une autonomie totale, d’autres souhaitent conserver une certaine dose de contrôle et de fait iront moins loin.

Ce que nous avons constaté est que ces limitations sont plus culturelles qu’environnementales ou conjoncturelles. Certaines entreprises évoluant dans des environnements très contraints s’autorisent plus de libertés que d’autres qui évoluent dans des environnements moins réglementés. Tout est une question d’état d’esprit. De fait la diversité des chemins empruntés et des destinations couvertes rend difficile une vision uniforme et unique de ces entreprises et l’exploitation par certains du buzz associé au terme rajoute à le confusion.

…vive l’organisation agile

En conclusion je dirais que se lancer dans cette démarche doit être fait après examen de conscience et avec une bonne connaissance du niveau de culture de son entreprise pour éviter les écueils et toujours en tenant compte de son environnement réel. C’est ce que propose l’organisation agile.

L’organisation agile championne du pragmatisme

Elle part de là où elle est en toute conscience et se borne à avoir un regard objectif et pragmatique sur elle même. L’analyse du point de départ et de ses manquement ainsi que des ses aspirations est un point fort de l’organisation agile. Elle s’intéresse plus aux relations et interaction entre les individus qu’aux processus et aux outils. Elle embrasse la notion de culture et est attentive à son évolution.

Une organisation agile qui s’adapte

Dans l’organisation agile on préfère l’adaptation au suivi du plan et donc on est naturellement moins branché sur l’idée d’un méthode à dérouler pour arriver à destination. On est conscient que le chemin se fait en terre inconnue et qu’il ne sert à rien de faire des plans sur la comète, on se projette dans le futur mais plus pour avoir une direction que définir un chemin.

L’organisation agile adepte du petit à petit

Elle fait la promotion des petits pas qui créent de la valeur pour le collectif, on parle peu et on agit plus. Le fait de faire des transformations silencieuses évite l’effet de halo et d’opportunisme. On agit et on observe plutôt que de faire des plans de transformation. Le but est d’agir vite pour avoir une réponse qualitative de l’environnement.

Une culture orientée collaboration plutôt que contrat

Dans l’organisation agile on privilégie la notion de collaboration plutôt que de contrat. Autant que possible on va donc aller vers la concertation et la convergence des besoins plutôt que d’imposer les choses. Le contrat fige les choses et laisse peut de place à l’émergence. On est conscient que le changement est une bonne chose et que la finalité sera plus adaptée si on veut bien l’écouter au lieu de le rejeter.

Une organisation agile qui apprend de son environnement

Dans l’organisation agile on fonctionne par essais erreurs et de fait on est moins sensible à la culture du contrôle, on y préfère une culture du risque, l’on souhaite se tromper le plus vite possible mais sans se mettre en danger. On privilégie donc les terrains d’expérimentation sûr et les retours d’expérience rapide. Comment peut on savoir si une idée est bonne ? En la testant dans les conditions réelles sur un environnement de confiance. On implique ses clients, ses fournisseurs et on partage les règles du jeux pour diluer le risque.

Une culture orientée empathie

Dans l’organisation agile on est conscient que l’on ne peut pas exister sans ses clients et donc on fait tout pour leur apporter une réelle valeur ajoutée. On note aussi que cette culture empathique est aussi une façon de se structurer en interne. De manière générale l’organisation agile fait tout pour développer l’esprit service entre les composantes internes de l’entreprise. Cela ne veut pas dire que l’on contractualise tout, bien au contraire, mais on est attentif à la notion de responsabilité en interne des actions que chacun fait vis à vis du collectif. On se structure par rapport aux services que l’on apporte au collectif.

Un état d’esprit systémique

Vous l’aurez compris dans l’organisation agile on fait beaucoup comme dans l’EL, mais sans le dire, sans le prôner, sans jouer les leaders libérateurs, sans égo et sans se voiler la face sur les limitations culturelle de l’entreprise. On est systémique jusqu’au bout des doigts. On privilégie la qualité des relations et des interactions sur le règlement ponctuel des problématiques individuelles.

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