Coronavirus, gestion de crise et leçon de management

Coronavirus et management de la crise

En cette période trouble de pré-confinement et d’inquiétudes, il peut être intéressant de prendre un peu de recul sur la situation. Sans rentrer dans les débats d’experts, il peut être utile de comprendre et d’analyser nos différents modes de réactions face à cette pandémie et d’essayer d’en tirer quelques leçons sur la gestion de crise.

Nous vivons des moments inédits dans l’histoire du monde, nous avons d’un coté des moyens modernes et sans précédents et devons faire face à un des plus vieux ennemi de l’Homme ; le virus.

On peut noter des comportements très différents selon les pays qui sont positionnés sur des polarités fortes :

« Dire de faire » ou « montrer l’exemple »

Il est à noter que la mode française en la matière est de dire ce qu’il faut faire plutôt que de montrer l’exemple en matière de précautions à prendre en période de coronavirus. Je vous invite à comparer ces deux liens avec deux présidents aux styles différents :

En matière de management, on pourra, comme avec notre premier ministre, reprocher à la population de ne pas suivre scrupuleusement ce qui a été dit et de ne pas prendre la mesure de la gravité de la situation ou, et ce serait surement plus efficace, montrer l’exemple en bon pédagogue. Au lieu de cela on autorise des élections en lieu clôt en disant qu’un éloignement d’un mètre est suffisant et, par la même occasion on fustige les gens qui se promènent dans un parc en plein air en les traitants d’irresponsables.

Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’un certain nombre d’entreprises ont devancé les consignes et proposé des aménagement des modes de travail, en ce sens elles ont montrés l’exemple.

Transparence ou opacité

Depuis le début de cette crise certains pays partagent toutes leurs informations et d’autres jouent l’opacité. La Corée du Sud a joué la transparence en utilisant les nouvelles technologies à son avantage. Une  application permet de mettre à disposition des citoyens les informations de parcours des contaminés confirmés pour permettre à la population d’estimer elle même son niveau de risque de contagion et déclencher des demandes de tests.

En France, on fait tout l’inverse. Il est quasi impossible de se faire tester si on ne vient pas directement d’un pays contaminé et ce même si on présente des symptômes douteux.

Depuis quelques jours les villes où il y a des personnes contaminées ne sont plus précisées pour, soit disant, ne pas faire paniquer les gens. D’un autre coté on leur reproche de ne pas se sentir suffisamment concernés par les risques qu’ils prennent… comment trouver une logique là dedans ?

L’effet de la non transparence fini par rejaillir sous forme d’une baisse de confiance. C’est ce que nous vivons à l’heure où j’écris ces lignes, les Français ont décidé de ne pas suivre les consignes du président en matière de vote aux élections municipales.

Un doute est vraisemblablement en train de se créer sur la sincérité même des propos tenus par nos dirigeants.

Un belle leçon de management, en matière de crise : la sincérité et la transparence sont de mise pour éviter la défiance et l’enlisement.

L’exemple de Boeing et de la gestion non transparente de la crise du 737 max aurait pourtant dû amener matière à réflexion.

Déni ou prise de conscience

Quand on regarde la politique de tests, on note aussi de grosses différences. En France, les tests sont fait au compte gouttes. En Corée ceux-ci sont fait tous azimut (les états unis semblent suivre la tendance sud coréenne). 10 000 tests par jours en Corée du Sud contre 1000 en France à la date d’écriture de l’article (quelques dizaines seulement  10 jours plus tôt).

Comment prendre de bonnes décisions quand elles se font sur de mauvais chiffres et de faux indicateurs.

En matière de management et de gestion de crises des bilans précis et à jours sont les seuls outils dont on dispose pour nous permettre d’arrêter les bonnes décisions. Le seul coût à court terme de cette mesure ne doit pas être le critère dominant à prendre compte pour refuser les tests. En effet, certains pourront dire qu’a environ 50 euros le test, cela peut vite devenir cher. Une erreur serait surement de ne pas considérer les coûts associés à la non mesure et leurs effets sur l’économie, arrêt tardif et massif de l’appareil productif et sur la santé avec l’engorgement et la saturation des capacités de soin au détriment de la survie des patients.

Dans le développement logiciel, on sait pertinemment que les indicateurs de qualité logiciel et de rentabilité des projets sont directement liés à la maitrise des outils de tests et à une évaluation objective de la qualité réel du code produit et que les coût reportés en la matière sont exponentiels. En gestion de crise, c’est encore plus significatif.

Repousser les décisions difficiles, isolements individuels ou localisés, coût des tests, arrêt productif … fait perdre du temps et fait augmenter chaque jour le coût humain et économique de demain. Ce sera le cas lorsque le report des décisions difficiles amènera au confinement total ce qui devrait arriver ce soir.

En matière de gestion de crise, ne pas décider et laisser faire, c’est décider de ne pas agir.

Gestion des risques vs prise en compte de l’incertitude

Les différences de réactions peuvent aussi s’expliquer par le fait que certains pays confondent la gestion des risques avec  la notion d’incertitude propre aux environnement complexes.

Cette épidémie ne peut être gérée comme un risque. Car la gestion de risque se caractérise par le fait que l’on essaye de déployer des stratégies pour faire face à quelque chose de connu mais dont la probabilité de survenu/période ou durée d’apparition est incertaine. Le virus de la grippe hivernale est ainsi géré en risque.

On commence à bien connaitre le virus de la grippe et la gestion du risque consiste à anticiper ces mutations dans les cocktails de vaccin,  à anticiper la création et la bonne mise à disposition des stocks de vaccins à la date présumée d’arrivée de l’épidémie et c’est déjà quelques chose de difficile à faire.

Dans le cas du Coronavirus ce qui change tout est que la zone d’incertitude est beaucoup plus grande car nous ne connaissons encore à ce jour que peu de choses sur lui.

Les experts se battent pour déterminer sa durée de vie sur différents supports, son mode de contamination via d’éventuel porteurs sains ou supers contaminateurs, les effets précis sur les gens, le mode de distinction avec la grippe, sa gravité,  le taux réel de complication et de mortalité.

Bref, on y connait pas grand chose et espérer gérer cela comme un risque est une bien belle erreur. Car cela consiste à utiliser un plan prédéfini (celui établi pour la grippe H1N1 en l’occurrence) et espérer les mêmes résultats. C’est comme utiliser un marteau pour enfoncer des vis, sous prétexte que 10 ans auparavant on avait bien réussi avec des clous.

Dans la cas de ce nouveau virus nous ne pouvons pas utiliser les vieilles recettes. Nos mesures pour gérer cette crise ne valent pas mieux que la ligne maginot en son temps pour défendre les Français.

Un changement de croyance est nécessaire pour permettre d’appréhender notre niveau d’ignorance et donc de changements à opérer pour mieux gérer ces crises qui se reproduiront malheureusement.

Le propre du complexe est que l’on ne connait pas l’étendue de nos méconnaissances sur le sujet en question, donc espérer le gérer en suivant un plan est illusoire.

Frustration court terme vs visée long terme

L’esprit humain a du mal à faire passer ses frustrations à courts termes contre des bénéfices à longs termes. Arrêter de fumer pour sa santé, manger raisonnablement pour éviter de grossir. En bref, on parle/lit/raconte beaucoup de choses sur la santé et sur comment prendre soin de son corps, mais on peine à suivre les conseils du médecin…

Dans notre cas d’étude, prendre soin de nous consisterait à se restreindre dans ses déplacements, adopter de nouvelle règles sociales et d’hygiènes…pour le salut de tous. On peut remarquer, qu’en terme de santé publique, l’état prend aussi mal soin de son « corps social » que l’individu en général de son propre « corps ». Il énonce beaucoup de grands principes mais dans les faits agit moins et moins vite que ce que l’OMS préconise depuis le début de cette crise.

En matière de management de la crise, il est intéressant de voir que nous perdons notre raison et que si nous avons décidé de confier à une entité tiers(OMS) la gestion de la crise, ce n’est pas pour rien. Il parait alors idiot de la disqualifier ensuite lorsqu’elle nous dit comment réagir et que mettre en œuvre.

La bourse à depuis longtemps mis en œuvres des mécanismes de coupure automatiques des ordres de ventes en cas de chute vertigineuse, dans notre cas il serait surement judicieux de confier nos politiques d’intervention à ces organes externes.

En matière de management, la leçon pourrait être que les indicateurs de réactions doivent être envisagés en amont et pas repoussés sans cesses par des cerveaux sous stress et impliqués dans les choix du quotidien. (cf point suivant)

Empirisme vs débat d’experts

Là aussi on peut voir qu’il y a des polarités assez opposées en fonctions des pays :

  • Si je fais quelque chose qui ne produit pas l’effet escompté, je dois changer de façon de faire, je suis empirique.
  • Si je fais quelque chose qui ne produit pas l’effet escompté, je dois faire plus de la même chose, je suis le plan.

Le cas 1 est bien évidement plus efficace en période de crise.

Dans le cas 2 on a généralement désigné des experts qui définissent un plan et puis on s’y tient.

On le sait dans nos vies courantes, santé, politique, économie … que l’on peut trouver des experts qui défendent toutes les solutions possibles.

Les débats d’experts sont stériles surtout si ils conduisent à retarder des décisions.

Ce n’est donc pas sur des stratégies définitives qu’il faut miser, et ce, quelque soit l’expert qui la défende mais bien sur une logique adaptative avec mesure précise et boucle de rétroaction.

Les experts ont un pouvoir immense, les décisions prisent en leur nom sont un argument d’autorité un peu rapide et nécessite de clarifier ce qui guident ces choix.

Par exemple certains experts européens disent que 50 à 60 % des gens vont l’attraper, qu’un virus ne s’arrête pas… position allemande anglaise et quelques personne haut placé chez nous en France comme M Blanquer.

On peut même se demander si la lenteur de réaction de notre pays, n’est pas la conséquence de ces croyances au plus haut sommet de l’état. cf ci dessous

Gérer les égos ou les faits

En fait la question ici est simple : Qui décide de quoi et sur quels bases ?

Les élections municipales, en dépit du risque débattu, que pourrait courir les personnes y allant, ne sont en rien quelque chose de vital et urgent pour la société. On peut même se dire que provoquer un changement de mairie en pleine crise peut être très perturbant pour les nouveaux arrivant. Bref, prolonger un maire pendant trois mois aurait surement était utile et assurément moins risqué d’un point de vue sanitaire et humain.

M Macron semblait pencher pour reporter ces élections mais cela n’a pas été le cas alors même que le second tour sera lui, de toute manière, fortement compromis. On peut alors se demander si ce sont bien les faits qui ont poussé au maintient des élections ou le ménagement de certains égos qui ont plus ou moins d’influence.

Il est fréquent que l’expérience des uns ne bénéficie pas aux autres. On écoute peu nos voisins et chacun des pays va dire (sans preuve concrètes) qu’il gère mieux que son voisin, encore une histoire d’égo. Il y a encore peu, le gouvernement disait que le cas de l’Italie était totalement différent, et maintenant on s’aperçoit que l »on est juste décalé de 9 jours. Si nos réponses arrivent aux mêmes moments, les courbes continueront vraisemblablement à se ressembler.

Nouvelle leçon de management, la confiance ne se maintient que si les décisions sont prises sur des faits et non par connivence ou intérêt.

En période de crise les égos sont souvent de la partie, ils affirment, décident, assumeront…. en sortie de crise nous aurons soit des héros, soit des bourreaux. 

Il est a noté que le mot : « j’assumerais » est très souvent prononcé par ceux qui choisissent et qui tranchent. Pour rappel, assumer sous entend que l’on sera tenu pour responsable et que l’on devra endosser le poids des dégâts et erreurs commises.  Dans le cas d’un telle crise, que veux dire endosser des centaines ou milliers de morts non nécessaires ou évitables, des centaines de millions ou des milliards de déficit. Qui peut avoir l’égo assez grand pour dire qu’il assumera cela. Qui peut avoir l’égo assez grand pour prétendre qu’il n’engage pas la responsabilité des autres dans ces choix.

L’égo est souvent mauvaise conseillère  et malheureusement peut compatible avec la remise en question et l’humilité qui serait utile dans ces temps incertains.

Quels dommage que nos systèmes sélectionnent et placent bien souvent à la tête de nos services/entreprises les personnes qui ont le plus gros égo…et donc des gens qui se remettront surement bien moins vite en question en temps de crise.

Désinformation ou confiance

Il est intéressant de considérer les différents points de vue de nos dirigeants qui sont peut être à l’origine de choix stratégiques :

1er mode de pensée, les gens ne sont ni responsables ni adultes et donc (à la mode Tchernobyl) :

  • leur donner les vrais chiffres va les affoler et créer de la panique
  • Leur expliquer les choses ne sert à rien
  • La crise doit donc être gérée entre professionnels compétant, des « experts » désignés
  • On fustige et on reproche au gens de ne pas « croire » en l’autorité et aux experts

2ième mode de pensée, les gens sont responsables et adultes et donc (Corée du Sud) :

  • On se doit d’être transparent
  • On explique et on met disposition les moyens de tests
  • On diffuse l’expertise au lieu de la concentrer dans les mains de quelques uns.
  • On montre l’exemple, on fait

Il est intéressant de constater que la confiance est quelque chose de réciproque, on ne peut l’exiger. Elle se gagne par des actes et non des paroles, elle se perd par le mensonge et la dissimulation.

Par défaut en période crise, il est bon de retenir que le confiance ne peut être exigée et que dans tous les cas  elle ne doit pas être la condition sine qua non du bon déroulement d’un plan.  En la matière, tout ce qui ne sera pas officiellement interdit sera de fait considéré comme autorisé et l’utilisation de l’argument de « confiance » est inutile voir préjudiciable.

En conclusion, comment gérer la complexité,

On peut voir que le fait de se positionner selon un coté ou l’autre de ses polarités peut engendrer des comportements et donc des résultats très différents.

Les réponses à travers le monde ne sont pas binaires et toutes les postions de curseur sont évidement possibles.

Ce qui est sûr, c’est que les personnes familiarisées avec le concept de complexité et d’adaptation au changement seront, à terme, mieux armées pour évoluer dans ce 21ième siècle dont les défis sont énormes. Voici un résumé des comportements qui favorisent une bonne gestion des environnements complexes :

Montrer l’exemple, prendre conscience, rendre transparent et accepter l’incertitude, privilégier une pensée systémique, globale et long terme, privilégier un fonctionnement empirique, mettre de coté les égos, se baser sur des faits et agir avec des boucles de rétroaction courtes et enfin, miser sur la confiance.

On dit que dans chaque crise, il y a des opportunités, espérons que des leçons, à minima, pourront être tirées rapidement de cette situation peu enviable.

 

 

 

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