Management, l’illusion du contrôle et prévisibilité

Management, l’illusion du contrôle et prévisibilité

On entend régulièrement que le manager est là pour anticiper et prévoir ce que son équipe, qui a la tête dans le guidon, ne peut faire. La prévision, en permettant une projection dans le futur, ferait diminuer le stress perçu.
Mais est-ce vraiment le cas ?

Illusion du contrôle et culture d’entreprise

De manière générale, une grande partie du travail du manager consiste à essayer d’anticiper l’avenir pour prévenir les déconvenues. Que ce soit dans le but de faire plus de profit ou de protéger les équipes, ce sentiment est louable et on ne peut lui reprocher son intention. Mais c’est oublier une chose, notre environnement s’est complexifié, de nos jours avec la mondialisation, l’environnement qui évolue en permanence, il est de plus en plus difficile de  faire des prévisions. De minuscules événements qui échappent totalement à notre contrôle et à notre perception peuvent avoir des effets considérables. 

Dans l’entreprise cette illusion est flagrante, en tant que managers, nous sommes en permanence en train de faire et de refaire nos prévisions. Elles ne sont jamais justes et la réalité du présent rattrape toujours celle des planning et des restes à faire. Nous ne pouvons que constater que les choses dérapent et tentons de mettre en place des moyens pour empêcher la prochaine dérive, audits, analyses des causes…

Cette imprévisibilité est une caractéristique intrinsèque du monde complexe dans lequel nous vivons et ne touche pas que l’entreprise, à titre d’exemples :

  • En 2006, la crise des subprimes fait son entrée, au final  800Mds de pertes et de recapitalisation…
  • En 2008, le prix du baril de pétrole passe de 136$ à 45$ en 6 mois et personne ne l’avais vu venir, cet événement à bien sûr des conséquences énormes sur l’économie mondiale
  • En 2012, la quasi faillite de la Grèce
  • En 2014,  la France 1er producteur de blé européen est obligé d’importer 34500 tonnes de blés à causes de mauvaises conditions d’hygrométrie lors du ramassage
  • 2015, le scandale Wolkswagen, pourrait avoir un coût de 78 Mds d’euros pour la société
  • 2016, Le Brexit, la veille tout les sondages et spécialistes nous disent que le « In » l’emportera et au matin on apprend que le « Out » a gagné. Élection de Donald Trump
  • 2017, Primaires françaises / ElectionMacron

  • 2018 : Tweet de Kylie Jenner : Snapchat – 1,3 Mds

Tous ces événements ont des causes initiales relativement anodines au départ, pour des conséquences importantes au final. Nous avons tous autant que nous sommes été mis devant le fait accompli et n’avons pu que constater ces dérives et les prévisionnistes, analystes n’ont rien vu venir.

Alors pourquoi continuons nous à essayer de prévoir ? Pourquoi rester dans cette illusion du contrôle ?

A l’origine, un mode de fonctionnement et d’apprentissage de notre cerveau découvert par Skinner sous le nom de « conditionnement opérant » qui agit comme une boucle de contrôle sur nos actions. Les actions qui ont des conséquences négatives pour nous sont notées d’une croix rouge dans notre cerveau et tout est fait  pour les éviter.
A la base, un processus qui permet de s’adapter à notre environnement pour éviter de manger les baies qui nous ont rendues malades et de courir après les animaux qui sont plus forts que nous…
Seulement voilà, quand on peut faire un lien direct entre les causes et les conséquences cela marche très bien et l’anticipation fonctionne, la peur que l’événement désagréable se reproduise entraîne une réaction d’évitement bénéfique et apaisante. 

Mais dans un monde complexe c’est bien évidement la relation de cause à effet qui est remise en question :

Les causes et les effets se chevauchent et un changement d’un ou plusieurs micro-composantes du système, même mineur, entraîne une profonde modification du résultat final.

Notre cerveau est habitué à travailler comme cela et continue sans se rendre compte à essayer de prévoir des choses qui ne le sont pas.
Plus un système est complexe et plus on essaye de comprendre en reliant de mauvaises causes à de mauvaises conséquences.
C’est un cercle vicieux.

On peut parfois se rendre compte de cette illusion du contrôle et de la prédiction

A titre d’exemple, il ne viendrait jamais à l’idée de quelqu’un d’essayer de faire des prévisions pour sa future balade à vélo du type :

12h03, je vais tourner à droite de 10°, puis faire 32m, 12h04, puis monter la pente à cette 7% puis …
Si précis soient les moyens utilisés, même aidé des meilleures cartes satellites ou coordonnes GPS, la randonnée serait inévitablement stoppée par le caillou du début, la branche, la pluie battante, la crampe du mollet….
Il serait encore plus impensable de s’arrêter en chemin pour refaire la planification à chaque déconvenue en espérant regagner le temps perdus sur les prochains cailloux par des mesures correctives…

C’est pourtant ce que l’on fait régulièrement en management !

Comment sortir de l’illusion du contrôle ?

A défaut, la nature nous a dotée d’une autre capacité cérébrale pour traiter le complexe et l’incertain, il s’agit de notre capacité d’adaptation hébergée par notre cerveau préfrontal. Il permet de créer des liens entre des situations apparemment sans relation et fonctionne en prenant en compte l’acceptation de l’erreur comme mécanisme de pilotage.

Lorsque deux équipes s’affrontent, en jeux de découverte, avec pour une, une vision prédictive (connaissance du terrain à priori et planification systématique) et pour l’autre une vision adaptative (non connaissance du terrain mais capacité à réagir plus vite sans planifier), on constate que :

  • L’équipe une, part avec un relative confiance en elle, son niveau de stress est bas mais ne cesse d’augmenter au fur et à mesure que les ennuis ou les événements imprévus surgissent.
  • Alors que l’équipe deux, qui part avec juste une vague idée de la destination finale et avec une peur plus importante, se voit rassurer au fur et à mesure que le jeux avance et alors qu’elle subit pourtant les mêmes imprévus.

De manière générale les équipes du type adaptatives réussissent l’exercice avec de meilleurs scores et dans une ambiance beaucoup plus décontractée que les équipes prédictives.

En sport, on dit que les matchs ne se jouent pas à l’avance… on ferait bien de méditer cela en management et arrêter avec cette illusion du contrôle, consommatrice de temps et d’énergie et génératrice de stress sur le long terme.

Le changement de culture et de paradigme que cela demande est parfois difficile à faire. Le plus dur étant toujours la première étape, celle de la prise de conscience que l’on fait fausse route et que toujours plus de la même chose entraîne toujours plus de même résultats. Il faut une certaine dose de lâcher prise et de confiance en soi et en l’autre pour réaliser ce revirement.

En augmentant sa capacité à écouter son environnement dans le présent et sa confiance en ses capacités de réactions, on gagne non seulement en efficacité mais aussi en sérénité, c’est ce que font les entreprise agiles.

A méditer…

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