Pourquoi, la conduite du changement à la Kotter, ne marche pas !

conduite du changement

La conduite du changement a été modélisée par John Kotter dans son célèbre ouvrage « Leading Change » de 1996. Cet ouvrage sert de modèle aux différents leaders de nos organisations, pour gérer et accompagner le changement depuis plus de 22 ans maintenant avec les déconvenues ou succès mitigés qui font régulièrement la une des presses spécialisées.

Nous aurait on menti ?

La conduite du changement, rappel de la méthode

Le processus pour faire évoluer un système humain est assez simple, puisqu’il consiste, à enchainer 8 étapes pour parvenir à modifier le système considéré, quel qu’il soit, en profondeur. La méthode s’applique aux entreprises, organisations, écoles, états…. ou à tout système où les humains sont à la manœuvre.

Il comprend huit étapes :

  1. Créer un sentiment d’urgence
  2. Créer une puissance coalition
  3. Développer une vision et une stratégie
  4. Communiquer la vision du changement
  5. Responsabiliser les employés pour une large action
  6. Générer des gains rapides
  7. Consolider les gains et produire plus de changements
  8. Ancrer les nouvelles mesures dans la culture d’entreprise

Vu sous cet angle, la conduite du changement ne semble pas être insurmontable. On peut alors se demander, pourquoi cette méthode si facile d’accès, n’a pas produit plus de succès durant ces 25 dernières années. Loin d’être une méthode secrète, le changement à la J.P Kotter est une recette connue et enseignée dans toutes les écoles de management depuis des années.

La conduit du changement à la J.P Kotter souffrerait-elle de quelques défauts ?

Reprenons ces étapes de la conduite du changement  une à une avec un œil critique :

Étape 1 : Créer un sentiment d’urgence

Dans son livre « Alerte sur la banquise » kotter utilise des manchots et un banquise fondante comme métaphore du changement nécessaire. Cette 1ère étape pose à elle seule de sérieuses questions :

En 25 ans, on peut penser que les mots on été particulièrement choisis et ceux-ci laissent sous entendre qu’il faut « créer » le sentiment d’urgence.
On bâtirait donc toute la transformation et la conduite du changement sur, au pire, un mensonge ou une exagération ou au mieux une demi-vérité teintée de l’intention de départ ; faire peur.

Dans un monde complexe ou chaque revers à sa médaille et où chaque décision a son cortège de nuances et d’interprétations possibles, il parait très difficile d’espérer créer un consensus et mobiliser tout le monde via ce principe, sauf si « la banquise fond vraiment, tout le temps , inexorablement… », ce qui est rarement le cas.

La non sincérité du message

Nombre de dirigeants d’entreprise, d’hommes politiques essayent de nous faire régulièrement peur, mais comme le pire annoncé tarde à arriver, nous ne les croyons, tout simplement, plus . « La situation est grave » sont des mots trop souvent prononcés par des leaders de passages dans nos grandes organisations pour qu’ils puissent être encore entendus.
Combien de PDG ont laissé leur « chemise » ou leur place en essayant d’appliquer ce 1er principe ?

Ceci présuppose également que la peur serait le seul moteur du changement profond. Le nombre de choses terrifiantes avec lesquelles nous vivons ne cesse d’augmenter. Boire, manger, respirer, voyager, côtoyer… tout peut être dangereux selon comment vous vous y prenez (quantité, qualité, contenu, circonstances…).

Faire peur ne marche que dans une certaines mesures. Plus la sanction réelle est lointaine et plus la motivation pour changer s’amoindrit et cela même si elle est terrible.
En fait, il est assez rare de constater des changements d’habitudes durables mus uniquement par la peur. La peur peut même être paralysante ou démoralisante : « Que pouvons nous y faire ? » cf changement climatique.

La méthode de l’ultimatum

De manière générale, créer des urgences ou des ultimatums ne fonctionne pas souvent, je vous invite à regarder de plus près les cas Zappos, Air France …

Nous avons arrêté d’utiliser des Nokia 3510 pas parce qu’on nous a fait peur, mais parce que les smartphones offraient de bien plus grandes possibilités.
Autre exemple, la baisse massive et récente de la consommation de cigarette, 2 millions de fumeurs en moins, est plus du à l’apparition de la cigarette électronique (nouvelle offre) et à l’augmentation du prix (sanction directe) qu’a la peur promulguée par les messages et images chocs sur les paquets de tabacs.

Imaginons un instant que ce principe fonctionne, à votre avis, que ce passera-t’il quand les gens s’apercevront que le principes a été « créer » ou même ne serait-ce « qu’exagéré »  ? La perte de confiance dans les leaders sera assurément néfaste au processus final de transformation.

Alternative

Je préfère largement le concept de transparence et d’awarness. Permettre à tout un chacun de prendre la mesure des vrais enjeux et défis à relever en partageant ceux-ci à tous les échelons de l’entreprise et en éduquant/informant ces personnes pour qu’elles puissent se forger une opinion critique. On retrouve d’ailleurs, ce type de comportements payants dans les politiques modernes de prévention des risques.

Étape 2 : Créer une puissance coalition

Manifestement on part en guerre ou quelque chose qui y ressemble. Dans l’esprit initiale, il s’agit de monter un groupe de leaders qui adhèrent au projet, qui porteront la transformation et lui apporteront compétences, légitimité et expertise.

N’avoir personne de convaincu de l’intérêt de changer est un point assurément négatif. Pour autant, il ne faut pas créer un groupe qui serait à la fois juge et parti, ou qui n’aurait qu’un caractère exécutoire.

De plus, Il y a une vrai difficultés à percevoir les besoins et désidératas des gens, pour s’en convaincre, il suffit de regarder les dernières élections, primaires inclues : Les leaders pressentis au démarrage ne se sont pas du tout retrouvés dans les influenceurs et gagnants de la fin.

Plutôt qu’un gros groupe constitué dès le départ, je préfère un système de porteurs d’enjeux réduits mais impliqués et ayant la capacité et l’autorité pour mettre en œuvre des expériences qui serviront de bases pour la diffusion et la propagation du système si celles- sont probantes.

Mon constat : De nos jours la « puissante coalition » peut vite être perçue comme « un groupe de pseudo élites qui complote en secret » pour tous nous asservir (version anneau de Sauron)

Étape 3 : Développer une vision et une stratégie

Développer une vision est une chose légitime, savoir où l’on veut aller, se fixer une direction est tout à fait compréhensible. Par contre, vouloir bien définir les étapes pour y parvenir est un piège dans lequel il est facile de tomber.

En matière d’adaptation à un environnement en évolution, de deux choses l’une :

  • Soit le système, comprenant les enjeux, évoluera naturellement vers la solution.
  • Soit le système échouera dans la mise en œuvre de sa transformation par inadéquation culturelle (mauvais réflexes).

Et sans vouloir être pessimiste, si malgré des années de constat partagés, la solution n’a pas émergée, c’est que nous sommes dans le cas n°2.

Bon nombre d’entreprises échouent à définir et déployer des stratégies de changement qui sont peut être bâties sur des constats légitimes, avec des gens motivés car la culture même de l’entreprise s’oppose à la mise en œuvre du changement nécessaire.

Si le « pour quoi » nous souhaitons évoluer est intéressant, le comment y parvenir ne doit pas être fixer de manière précise trop prématurément.

Mon constat  : Comme le disait Peter Drucker « La culture d’entreprise mange de la stratégie pour le petit-déjeuner »

Étape 4 : Communiquer la vision du changement

Communiquer massivement la vision du changement, c’est aussi donner des directions (non garanties) à prendre à des personnes qui ne sont peut être pas en mesure de bouger et cela peut avoir des effets contreproductifs. C’est aussi, susciter des craintes en amont ou créer des espoirs qui ne pourront pas être réalisés rapidement (ou pas du tout)  et qui engendrerons de la démotivation ou de la résistance. (cf programmes électoraux)

C’est aussi, prendre le risques d’une opposition première sur les moyens pour y parvenir. La fameuse stratégie sera alors discutée, contre argumentée et servira de premier point d’achoppement.

Entre annoncer et faire, ma préférence est clairement orientée sur les faiseurs de changements. Il vaut mieux lancer dans les faits des actes de transformation que communiquer massivement sur les changements à venir. 

Mon constat : Les effets d’annonces créés de la résistance au changement

Étape 5 : Responsabiliser les employés pour une large action

Une des principales critiques de cette étape est qu’elle arrive un peu tard puisque tout est déjà fixé en amont. On se retrouve ici dans une commune et traditionnelle  transformation ou les principaux concernés, ceux qui doivent changer quelques chose à leur façon de faire, sont consulté en derniers.

Je préfère la mise en route en amont de ce principe en laissant les principaux intéressés déterminer le comment ils arriveront aux résultats.

De manière générale, je n’aime pas le terme de responsabilisation qui sous entend que l’on peut rendre responsable les personnes par un acte mécanique.
Je préfère la notion d’autonomie qui se base sur un couple subtile liberté / responsabilité.

Mon constat : Trop souvent ces phases consistent à fixer les attendus sans avoir permis aux personnes concernées de participer aux moyens pour parvenir

Étape 6 : Générer des gains rapides
&
Étape 7 : Consolider les gains et produire plus de changements

Dans la vision de Kotter, le gain court terme (quick win) est idéalisé on retrouve ici une orientation idéalisée du changement.

Ces étapes sont de nature classique en conduite du changement, pour garder de la motivation, il faut à la fois conserver du mouvement et des résultats. Les changements sont mieux perçus quand on peut ressentir rapidement leurs effets positifs.  Cependant, dans cette vision, l’erreur et l’apprentissage lié à l’erreur ne sont pas pris en compte. On apprend souvent bien plus de ses erreurs que ses succès.

A cette formulation je préfère largement  « permettre et favoriser un apprentissage rapide ».  Chez Soptify, par exemple, on dit même, que l’on souhaite se tromper plus vite que tout les autres. Il faut, à mon sens, apprendre à gérer l’erreur / l’errance comme faisant parti du parcours.

Un changement efficace pour s’adapter à un contexte en évolution passera surement par des phases plus dures de doutes et de crises qu’il faudra apprendre à gérer sans idéalisation d’un parcours trompeur qui serait fléché uniquement par de petites réussites.

Mon constat : le changement/l’apprentissage n’est pas un parcours en ligne droite mais s’apparente plutôt à des boucles avec des retours en arrière

Étape 8 : Ancrer les nouvelles mesures dans la culture d’entreprise

Bon vous l’aurez compris, le système(la culture) étant à l’œuvre depuis le début de la transformation, s’intéresser maintenant à la culture est un peu tardif, puisque celle-ci à déjà produit ses effets positifs ou négatifs sur la stratégie et la transformation voulue. (CF Peter Druker).

Cette préoccupation n’est pas une étape, mais plutôt un point de vigilance qui doit être présent à tout moment durant la conduite du changement  jusqu’ à mutation complète des habitudes sur le sujets de transformation. De plus, cette culture, si importante d’un point de vu de son influence, devra avoir été révélée au système pendant le voyage et non pas à la fin.

Mon constat : Changer une culture c’est changer les comportements du quotidien

La conduite du changement à la Kotter, conclusion

En résumé la conduite du changement à la Kotter, souffre, à mon sens, d’une vision linéaire peu adaptée au changement ou au déploiement de méthodes dites bottom-up, impliquant de l’autonomie, de la responsabilité et un haut niveau de complexité dans les sujets à traiter.

Une transformation basée sur la peur et l’urgence, le respect de l’enchainement des étapes, la non prise en compte de la culture dans le processus de changement, la faible implication des parties prenantes sur le choix du comment arriver à destination sont des vrais points faibles pour gérer l’adaptation et la transformation des entreprises aux enjeux de demain dans nos environnements actuels et futurs.

Je préfère de loin le modèles basés sur la transparence, l’expérimentation et la montée en autonomie des acteurs concernés.

Les méthodes de déploiement itératives et empiriques ont en plus le mérite de permettre un déploiement qui s’adapte au système. En fonction de son niveau de maturité et de l’évolution de celle-ci, le système se parallélisera de lui même, ira plus ou moins vite et résistera plus facilement aux déconvenues et difficultés qui ne manquerons pas de surgir durant l’aventure.

Mon constat : La culture change par de petites actions qui transforment notre quotidien et par l’adoption à des principes théoriques

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